COMMENT PANTAGRUEL MONTA SUR MER POUR VISITER L’ORACLE DE LA DIVE BACBUC.
n[1] mois de juin, au jour des fêtes Vestales, celui propre
onquel Brutus conquêta Espagne et subjugua les Espagnols,
onquel aussi Crassus l’avaricieux fut vaincu et
défait par les Parthes, Pantagruel, prenant congé du bon
Gargantua, son père, icelui bien priant (comme en l’Église
primitive était louable coutume entre les saints christians)
pour le prospère navigage[2] de son fils et toute sa compagnie,
monta sur mer au port de Thalasse, accompagné de Panurge,
frère Jean des Entommeures, Épistémon, Gymnaste, Eusthènes,
Rhizotome, Carpalim et autres siens serviteurs et domestiques
anciens, ensemble de Xénomanes, le grand voyageur et traverseur
des voies périlleuses, lequel, certains jours paravant, était
arrivé au mandement de Panurge. Icelui, pour certaines et
bonnes causes, avait à Gargantua laissé et signé, en sa grande
et universelle hydrographie, la route qu’ils tiendraient visitant
l’oracle de la dive bouteille Bacbuc.
Le nombre des navires fut tel que vous ai exposé on tiers livre, en conserve[3] de trirèmes, ramberges[4], galions et liburniques[5] nombre pareil, bien équipées, bien calfatées, bien munies, avec abondance de Pantagruélion[6]. L’assemblée de tous officiers, truchements[7], pilotes, capitaines, nochers, fadrins[8], hespalliers[9] et matelots fut en la thalamège. Ainsi était nommée la grande et maîtresse nef de Pantagruel ayant en poupe pour enseigne