COMMENT APRÈS LA TEMPÊTE PANTAGRUEL DESCENDIT ÈS ÎLES DES MACRÉONS.
ur l’instant nous descendîmes au port d’une île laquelle
on nommait l’île des Macréons. Les bonnes gens du lieu
nous reçurent honorablement. Un vieil Macrobe (ainsi
nommaient-ils leur maître échevin) voulait mener Pantagruel
en la maison commune de la ville, pour soi rafraîchir à son aise
et prendre sa réfection ; mais il ne voulut partir du môle que tous
ses gens ne fussent en terre. Après les avoir reconnus, commanda
chacun être mué de vêtements et toutes les munitions des nefs
être en terre exposées, à ce que[1] toutes les chiourmes[2] fissent
chère lie. Ce que fut incontinent fait. Et Dieu sait comment il y
eut bu et gallé[3] ! Tout le peuple du lieu apportait vivres en abondance.
Les Pantagruélistes leur en donnaient davantage. Vrai
est que leurs provisions étaient aucunement endommagées
par la tempête précédente. Le repas fini, Pantagruel pria un
chacun soi mettre en office et devoir pour réparer le bris. Ce
que firent et de bon hait[4]. La réparation leur était facile, parce
que tout le peuple de l’île étaient charpentiers et tous artisans
tels que voyez en l’arsenal de Venise. Et l’île grande seulement
était habitée en trois ports et dix paroisses : le reste était bois
de haute futaie et désert, comme si fût la forêt d’Ardenne.
À notre instance, le vieil Macrobe montra ce qu’était spectable[5] et insigne en l’île, et, par la forêt ombrageuse et déserte,