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LA VIE

DE GARGANTUA
ET DE PANTAGRUEL.


LIURE PREMIER.

LA VIE TRESUORRIFICQUE DU GRAND GARGANTUA,
PERE DE PANTAGRUEL, IADIS COMPOSEE PAR M. ALCOFRIBAS[1],
ABSTRACTEUR DE QUINTE ESSENCE.

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AUX LECTEURS.

Amys lecteurs, qui ce liure lisez,
Despouillez vous de toute affection ;
Et le lisant ne vous scandalisez.
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, sinon en cas de rire :
Aultre argument ne peut mon cueur elire.
Voyant le dueil qui vous mine et consomme,
Mieulx est de ris que de larmes escripre :
Pour ce que rire est le propre de l’homme.

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PROLOGE DE L’AUTHEUR.

Beuueurs tresillustres, et vous verollez tresprecieux (car a vous, non a aultres sont dediez mes escriptz), Alcibiades, on[2] dialoge de Platon, intitulé le Bancquet, louant son precepteur Socrates, sans controuerse prince des philosophes, entre aultres parolles, le dict estre semblable es Silenes. Silenes estoyent iadis petites boytes, telles que voyons de present es boutiques des apothecaires, painctes au dessus de figures ioyeuses et friuoles, comme de harpyes, satyres, oyson bridez, lieures cornuz, canes bastees, boucqs volans, cerfz lymonniers,

  1. Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais.
  2. Au