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Tout ce qu’a pu faire de mieux la science expérimentale de la vie, c’est de nous apprendre, non à leur résister, non à les combattre, mais a les fuir. Or, cette égrégation du vulgaire, de la foule, et des anxiétés de la tourmente sociale, est précisément la question à résoudre, pour celui qui peut trouver dans son avoir un gage suffisant d’indépendance et de repos.

On pensera peut-être que la commisération affectueuse des honnêtes gens, peut servir de compensation au dédain des sots, c’est une erreur : je puis me défendre contre ce dernier sentiment. il est de sa nature éminemment hostile ; sa manifestation soulève toutes les forces conservatrices du moi, au lieu que l’autre, le plus souvent déguisant l’égoïsme et son horrible volupté, sous les dehors de l’humanité et de la bienveillance, m’impose avec une insolence atroce un tribut de gratitude pour la stérile flétrissure qu’il me fait subir. Tout homme qui éprouve pour les maux de ses semblables une pitié vraiment généreuse, comprend assez que l’on n’a le droit de plaindre tout haut que celui que l’on peut et l’on veut secourir.

La pitié de l’homme, je le répète, est flétrissante pour son semblable, et il se rencontre des cas où l’infortuné portant le cœur le plus noble peut s’en voir accablé. Un fier taureau pourchassé dans un cirque barbare, tout hérissé de petits dards par