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Dans l’Écriture Dieu dit à Moïse : « Va trouver Pharaon, dis lui qu’il laisse mon peuple s’en aller en liberté ; mais j’endurcirai son cœur, il refusera, et je frapperai son royaume de sept plaies. »

Tous les Pères commentateurs se sont mis l’esprit à la torture pour concilier ce passage, avec les idées que nous devons avoir de la suprême justice, de la suprême bonté ; mais tous ont échoué, et il a fallu finir par déclarer que les desseins de l’Éternel étaient incompréhensibles.

Ce privilège d’inconséquence et d’incompréhensibilité ne fut pas inventé pour les lois humaines : il faut qu’elles portent en elles-mêmes la raison de leur existence, et la preuve de leur justice et de leur nécessité ; je dis des lois qui aspirent à être autre chose que des volontés capricieuses et tyranniques.

Ainsi, que l’on cesse d’autoriser, par des mesures réglementaires, les maisons de jeux, les lieux de prostitution, les coups de dés si immoraux de la bourse, et la loterie où le pauvre va jouer le pain de la journée, après quoi il faut qu’il soit voleur ou suicide ; que l’on fasse disparaître ces agens de destruction appropriés aux habitudes de toutes les classes ; que l’on efface cette effrayante disproportion dans la répartition des biens sociaux, d’où naissent la corruption, le faste, la langueur, l’ennui, et finalement la consomption des