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Cette inconséquence de la morale religieuse avait eu lieu chez les anciens, au moins dans quelques systèmes particuliers de croyance. Il est remarquable que Virgile a placé les suicides dans l’enfer qu’il décrit au vie. livre. Cela ne prouve point que l’opinion du siècle d’Auguste proscrivit cet acte, puisque le contraire nous est attesté par tous les monumens historiques de l’époque, et puisque cette époque fut précisément celle de la plus grande vogue du trépas volontaire, et de la plupart des suicides fameux vantés par tous les historiens du temps. Mais cela prouve que Virgile a rendu compte des opinions d’une secte particulière, et qu’il ne faut voir dans tout ce vie. livre, comme l’a prétendu le célèbre Warbuton, qu’une sorte de révélation des mystères de Cérès Éleusine et des initiations qui se pratiquaient dans son temple. L’abbé Delille rejette cette opinion et lave Virgile du reproche d’impiété que lui fait l’évêque anglais, en disant que le poète n’avait fait que reproduire des idées consacrées par les traditions les plus antiques, et devenues en quelque sorte populaires en philosophie. Mais à mon avis, l’évêque a raison, et je suis porté à croire qu’il faut voir une révélation dans toute la description du vie. livre ; à la vérité, non point une révélation coupable et impie, attendu que les mystères n’étaient plus environnés, et depuis long-temps déjà, du respect et de la crédulité des peuples. Ce qu’il y a