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der une question traitée par ce grand homme. Il semble que tout ce que touchent dans le domaine de l’intelligence les talens de cet ordre, ne peut plus être abordé par des talens vulgaires, sans irrévérence et sans ridicule présomption.

Toutefois, je pense que le respect pour les hommes supérieurs, porté jusqu’à ce point, serait une pusillanime erreur. Dans les sciences proprement dites, il y aurait sans doute de la témérité et de la sottise à vouloir ajouter à la solidité d’un problème résolu par les Newton, les Lagrange ; mais dans la philosophie morale il en va tout autrement : en matière de vérités positives et d’observations, la perception plus ou moins vive qu’un homme peut avoir de la justesse des siennes, ne conclut rien en faveur de son mérite ; mais pour ce qui est des observations dont l’homme lui-même est le sujet, le sentiment étant le fait primitif de l’âme, la conviction d’un homme sur ce qui se rattache aux intérêts les plus chers de cette âme, doit être prise en très grande considération, abstraction faite du talent ou du succès plus ou moins grand avec lesquels il rend compte de ses impressions particulières. C’est du droit d’opinion qu’a tout homme sur le domaine moral, que se compose et se déduit le sentiment universel, dont on se prévaut avec beaucoup de raison, toutes les fois qu’il s’agit d’établir quelqu’une