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dire que la licence des anciens sur un point aussi important que le meurtre volontaire de soi-même, vient de ce qu’ils n’avaient pas sur les devoirs et les obligations de l’homme envers son créateur, des idées aussi épurées que les nôtres, et que leur doctrine, à cet égard, est précisément ce qui prouve l’infériorité de leur morale à celle que nous puisons dans la connaissance de la seule religion qui soit vraie.

J’aurai toujours quelque peine à croire que les Socrate, les Marc-Antonin, les Thraséas et les Caton, n’eussent pas des idées convenables sur la dignité de la nature humaine, et sur les devoirs à remplir envers la Divinité. J’abandonne toutefois cette difficulté ; mais je trouverai facilement parmi les modernes des approbateurs du suicide, et le nombre en serait plus grand sans doute, si la crainte d’être flétri du nom de corrupteur de la morale publique, n’avait empêché beaucoup d’hommes dont la hardiesse n’égalait pas les lumières, de s’exprimer avec une entière sincérité. Il me suffira pourtant d’en citer deux, dont la haute sagesse ne peut pas plus être contestée que leur amour pour la vertu, je veux parler de Montesquieu et de J.-J. Rousseau.

Le premier a dit assez clairement, ce me semble, que l’homme n’a de garantie certaine de sa liberté qu’autant qu’il sait se dépouiller de son existence ; que le mépris de la vie uni à la faculté d’en disposer