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à la proscription d’un acte qui peut être quelquefois, à la vérité, l’effet d’un aveugle désespoir, mais qui bien souvent aussi est l’explosion d’une âme généreuse indignée du monde, fière de sa céleste origine et amoureuse de son immortelle dignité.

Les anciens se donnaient la mort avec une merveilleuse facilité ; et leurs historiens, Plutarque entre tous les autres, ont consacré à l’admiration du genre humain, quelques suicides dont le récit arrache toujours des pleurs. Je ne parle pas de celui de Caton, il en est de plus beaux, il en est où le sacrifice a quelque chose de plus abondant et, si j’ose ainsi dire, de plus gracieux ; où brille un luxe de grandeur d’âme mêlé à je ne sais quel héroïsme d’amitié et de tendresse.

Je ne vois pas qu’aucun de leurs philosophes ait proscrit le suicide : Marc-Aurèle, le plus vertueux des empereurs, et qui, dans une condition privée, eût encore été le meilleur et le plus sage des hommes, lui dont la philosophie est empreinte d’un caractère si remarquable de résignation et de piété, le divin Marc-Aurile me permet de quitter la vie lorsqu’elle m’est trop amère ; seulement il veut que je prenne congé du monde sans colère, sans trouble et sans dépit ; mais avec une contenance assurée et un esprit tranquille, enfin comme je sors d’une chambre lorsque il y fume.

Je m’attends bien que certains hommes vont me