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ce que fit ambroise.

que nous n’en sortions, » disait Ambroise ; « mais ne serait-il pas plus sûr de nous y attacher par les bienfaits que par la crainte ? D’ailleurs, monsieur, il est impossible de retenir les gens par force, et, quand une fois l’on a vu dans sa patrie une mère dure et sévère, qui nous bannit de son sein, on s’en détache sans peine, pour s’en donner une plus bienfaisante et plus douce. La liberté n’a point de prix, et on ne l’achète pas trop cher de toute sa fortune. Je n’entends rien à la jurisprudence ; mais il me semble qu’il n’y a point de contrat qui oblige un sujet à rester dans un État où il ne se plaît pas. Que, si le prince m’ordonne de rester dans un pays d’où la nature, qui abhorre la souffrance, m’ordonne de sortir, je respecterai le prince, mais j’obéirai à la nature. » — « Vous avez raison, » lui dit l’avocat ; « je pourrais même vous faire observer que cette loi, qui défend aux protestants de vendre leurs biens sans permission, est sujette à beaucoup d’autres inconvénients. Elle effraie le sujet, parce qu’elle lui représente le royaume comme une vaste prison de laquelle il ne peut sortir, et détruit par là ce sentiment de liberté qui est le principe de l’industrie. Elle nous avertit beaucoup trop durement de nos chaînes, que l’autorité devrait couvrir de fleurs ; elle nous détourne d’acquérir des biens-fonds et détruit la confiance du sujet qui, pour s’exciter à l’indus-