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protestants ; mais le roi s’est expliqué en déclarant que ses grâces ne seraient réservées qu’aux seuls catholiques ; or, comme les grâces d’un prince ne doivent être que des actes de justice et des récompenses, c’est comme s’il avait déclaré qu’il ne récompenserait point les services de ses sujets protestants. Vous voyez donc qu’il n’y a point d’avancement à attendre pour vous ; et, en effet, les officiers protestants languissent tous dans des emplois subalternes ; l’on est parvenu à les dégoûter de leur état ; ce qui, avec les persécutions, a beaucoup contribué à en faire sortir un grand nombre du royaume. Ils ont passé dans les pays étrangers, où l’on en a composé plusieurs régiments[1]. Vous ignorez, d’ailleurs, mon cher fils, les désagréments qu’ils ont à essuyer avec leurs camarades et les disputes qu’il faut avoir sur la religion ; car l’imprudence qu’a eue le gouver-

  1. Combien de braves soldats, de savants ingénieurs, de bons officiers, de grands capitaines ont passé chez nos ennemis et leur ont porté le tribut forcé de leur valeur et de leurs lumières ! D’où sont sortis les Schomberg, les Gallowai, les Chanclos, les Deshayes, les Dumoulin, les Ligonier, auxquels nous pourrions ajouter tant d’autres ? Que de gens nés pour tout autre profession que pour celle des armes ont abandonné leurs fonctions, et ont rendu leur désespoir funeste à leurs compatriotes ! Si l’on est équitable, les maux qu’ils ont faits, peut-on légitimement les leur imputer ? Et n’est-ce pas plus naturellement à ceux qui les ont fait dépouiller de leurs biens, priver de leurs dignités, et tourmenter dans leurs personnes, qu’il faut s’en prendre ?