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ni recors[1] : le sanctuaire toujours pur de la justice ne doit point être souillé par l’odieuse hérésie. » Ambroise, qui avait beaucoup de jugement pour son âge, trouva si singulier que les opinions des protestants fussent un motif pour les exclure de l’étude de la chicane, que tout son chagrin s’évanouit, et qu’il sortit de chez le praticien en riant de toutes ses forces. « Allons, » dit-il, « trouver un médecin ; il vaut encore mieux employer sa vie à guérir les maladies des hommes qu’à s’occuper de leurs querelles et de leurs folies. »

Arrivé chez le médecin, Ambroise, qui riait encore, lui raconta son aventure, et lui dit qu’il s’estimait heureux d’être ainsi repoussé par les déclarations du roi, puisque cela le conduirait à embrasser une profession infiniment plus noble et plus utile. Le médecin convint avec lui que son état était le plus honorable de tous. « Mais plus notre profession est noble et relevée, » lui dit-il, « plus on doit en écarter, avec soin, de misérables hérétiques qui souilleraient par leurs opinions erronées la pure vérité, l’âme de la médecine ; aussi, le père La Chaise et Monseigneur de Louvois ont-ils ordonné que, pour être bon médecin, il fallait être catholique[2]. » Ambroise, qui n’était

  1. Déclaration du roi, du 15 juin 1682.
  2. Boerhaave et Sydenham n’auraient pu, en France, ordonner légalement une médecine ; Chéselden n’y eut pu faire l’opération de la cataracte, ni Margraaf y préparer l’antimoine.