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celui de la mère. Les villes retentissaient des cris forcenés, des jurements des dragons, et des pleurs, des lamentations et des hurlements des huguenots. Les déserts les plus écartés ne pouvaient leur servir d’asile ; on leur donnait la chasse comme à des bêtes fauves, et on les ramenait pour les exposer à mille tortures.

Le plus indigne pillage accompagnait ces barbaries : les meubles, les ustensiles, les provisions étaient jetés dans les rues ; on mettait les chevaux dans les chambres de parade, on leur faisait des litières de soie ou de coton, on les couchait dans des draps de toile de Hollande ; on s’amusait à les nourrir des aliments destinés aux hommes, et l’on faisait souffrir aux hommes toutes les horreurs de la faim. Ces scènes, exécutées à la fois dans toutes les maisons, eussent fait croire que les cannibales s’étaient emparés de la France. Et quand enfin l’art de convertir fut perfectionné par un an d’exercice, il entra dans l’usage de la discipline militaire ; l’officier le faisait exécuter, et le soldat qui se relâchait ou qui montrait de la faiblesse était puni. C’est ainsi que tous les esprits étant agités par la même fureur, tous les cœurs étaient insensibles à la pitié. C’est ainsi que la France, dans ce que l’on appelle ses plus beaux jours, offrit un spectacle plus outrageant pour l’humanité que les scènes de la fureur espagnole en Amérique. La journée même de la Saint-Barthélemy fut moins horrible et moins déshono-