Page:Rabaut - Le vieux Cévenol, 1886.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
le vieux cévenol.

j’ai vu une partie de l’Asie et de l’Afrique ; j’ai pénétré assez avant dans l’intérieur des terres brûlantes de cette dernière partie du monde ; et j’ai vu une espèce de culte établie partout où j’ai trouvé des peuples policés. J’ai lu les histoires des anciens peuples, et j’ai encore vu que tous ceux qui avaient une police avaient aussi une religion ; et que ces deux institutions dataient de la même époque. Cela m’a fait soupçonner qu’il se pouvait bien que cette lueur eût été donnée à l’homme pour le conduire à la justice, comme celle de la sociabilité pour l’amener à goûter les bienfaits de la législation ; et comme je ne puis pas douter que l’instinct de société que je vois dans l’homme ne lui soit naturel et inné, j’ai soupçonné que ce pouvait être aussi un instinct qui le portait, par tous pays et dans tous les temps, à invoquer et à adorer une puissance supérieure.

— C’est-à-dire, monsieur, que vous croyez encore aux idées innées, quoique Locke ait évidemment prouvé…

— Je ne dis pas qu’il y ait des idées innées ; mais je suis bien tenté de croire qu’il y a des sentiments innés.

— Et quelle différence y mettez-vous ?

— La voici. Les idées sont le résultat des sensations que nos organes transmettent au cerveau ; or, il est clair qu’avant que les organes aient rien transmis, le cerveau ne peut avoir aucune idée.