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ambroise est arrêté.

il convenait de les choisir aussi horribles qu’il se pourrait, on hésitait entre beaucoup de prisons célèbres, dont les cachots sont infects et puants. « À Bourgoin, » disait-on, « les cachots sont si profonds, si étroits et si humides, qu’il faut y dévaler un homme par-dessous les aisselles, et que le plus robuste ne peut pas y rester deux heures sans s’évanouir. Ceux de Grenoble ont bien leur mérite, car le froid et l’humidité y sont tels, qu’au bout de quelques semaines on y perd les cheveux et les dents. Nous avons encore le cachot de la Flocellière, où passent toutes les ordures d’un couvent voisin, et où les gens du lieu prennent la peine de porter des charognes, pour augmenter la puanteur. Mais au fond, dans quel[que] lieu que l’on mette les prisonniers, n’avons-nous pas cette précieuse invention de nos dragons, qui jettent des ventres de moutons pourris dans les cachots, et qui appellent cela jeter des bombes[1] ? » Le lecteur que la nature a doué de fibres fortes et d’une certaine raideur dans l’âme verra avec plaisir que dans ce beau siècle de Louis XIV, les esprits avaient encore de l’énergie, et que l’on n’avait pas été amolli par la lecture de Montesquieu, et [de l’ouvrage] du marquis de Beccaria sur les Délits et les Peines. Il frémira sans doute en pen-

  1. Voyez Hist. de l’Édit de Nantes, par Élie Benoît, tome III.