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JUSTINE.

vous chérissez… Partez, monsieur ; partez, je prierai Dieu pour vous, et cela m’aidera à souffrir.

— Eh ! n’est-ce pas Dieu lui-même qui vous a mise sous ma protection ?… Vous abandonner ! ah ! c’est alors que je mériterais le titre de lâche qu’ils ont osé me donner, les infâmes ! Oui, ils disent que je suis lâche, parce que la vie de ce qu’ils appellent un soldat me fait horreur ; ils disent que je suis lâche, parce que je n’ai pas le courage d’abandonner ma vieille mère, de la laisser mourir de faim pour aller pourrir dans quelque caserne… Je suis un lâche, moi, parce que j’aime mieux avoir à défendre ma vie chaque jour, que d’en passer la plus belle partie à tourner à droite et à gauche, à faire semblant de charger un fusil, et, pour toute occupation d’esprit, à frotter les gourmettes d’un schako et le cuir d’une giberne, le tout sous la direction d’une espèce d’automate,