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UN CONVOI.

je n’en ai plus le courage. À quoi me servirait-il de vous causer de nouveaux embarras ? Puisque vivre, c’est souffrir, n’ai-je pas trop vécu ? À ce compte, je suis un vieillard, et je veux éviter la caducité. Aux yeux de l’espèce humaine je vais me rendre coupable d’un crime ; mais que m’importe l’opinion des hommes ?… Depuis bien long-temps ne me font-ils pas horreur ou pitié ? Les monstres ! ne sont-ils pas la cause de toutes les espèces de tortures que j’ai subies ? ne m’ont-ils pas vingt fois déchiré les entrailles ?… En bonne conscience, peut-on faire un crime à la victime de s’échapper des mains du bourreau ?… Non… et vous avez trop de raison pour ne pas comprendre qu’avec ma manière de voir et de sentir je prends aujourd’hui la seule détermination convenable. J’ai tout vu sur cette terre, j’ai tout connu, excepté le bonheur qui ne s’y trouve jamais ; je vais le chercher ailleurs. — Adieu ! brave Guibard, adieu !! »