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JUSTINE.

n’eut ni le temps ni la pensée de l’interrompre ; et, quand elle voulut lui répondre, il était parti.

— Cet homme est vraiment extraordinaire, se dit-elle ; mais que penser de cette société où l’innocence est obligée de se mettre sous la protection d’un forçat ?

Cette idée lui suggéra une foule de réflexions peu consolantes ; elle comprit que la justice qu’on lui avait rendue en l’acquittant n’était qu’un accident, et qu’elle eût été infailliblement condamnée si le crime qui avait mis de l’or à la disposition de Guibard n’eût pas été commis. Ainsi donc, pour vivre en paix avec sa conscience, il fallait se condamner à toutes les tortures du corps et de l’esprit ; et après ces souffrances la mort, et après la mort le néant peut-être.

Justine fut effrayée d’en être venue là ; elle tomba à genoux, retrempa son courage par la prière, et se sentit plus forte au bout de