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DEUX MONSTRES.

avoir mûrement réfléchi, j’ai pensé que vous ne pourriez être mieux et plus en sûreté que chez madame votre sœur. En conséquence, je lui ai écrit à ce sujet une assez longue lettre, contenant l’analyse des malheurs qui sont venus fondre sur vous depuis votre séparation ; je lui annonce votre arrivée prochaine, et dans deux heures vous pourrez embrasser cette bonne sœur, que vous avez autrefois jugée avec tant de rigueur.

Le malheur est un dissolvant violent, un agent puissant, qui, dans certaines circonstances, change la nature des choses ; sous l’empire de cette puissance, les torts, les fautes, et peut-être les crimes de Juliette ne semblèrent à Justine que de légères erreurs, des faiblesses pardonnables, et déjà, depuis long-temps, la coupable Juliette avait recouvré sa place dans le cœur de Justine, ce cœur où il y avait tant de place pour l’amour qu’il n’en restait pas pour la haine.