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les dépaysés

Elle a peut-être grandi trop vite, elle s’est étiolée avant d’arriver à son plein épanouissement. Il lui manque une certaine mesure, cette sobriété qui rend la littérature française plus savoureuse. Elle est un peu surfaite comme leurs édifices et tout ce qui se fait aux États-Unis. Quand ils veulent imiter les auteurs russes ils sont plus russes que les plus russes d’entre eux ; s’ils sont symbolistes, ils laissent Mallarmé loin derrière eux. La forme que revêt la sensibilité américaine est généralement celle du conte qui leur est venu de France par Maupassant et que O’Henry a popularisé là-bas. Nul autre pays n’en publie autant, environ trois mille chaque année. Ce petit roman d’un chapitre s’adapte bien à leur état d’âme. Un nombre incalculable de magazines distribuent cette littérature à tous les foyers. Dans une si prolifique production, il y a de beaux épis mais il y a aussi beaucoup de mauvais grains. Le goût du lecteur y est peut-être pour quelque chose. On demande des contes d’aventures et de sentiment où tout finit bien. Le public américain se cabre contre les dénouements tristes où le traître n’est pas puni et les amoureux ne sont pas unis pour toujours.

Il y a quelque trois ou quatre ans on a publié un volume appelé « Grim 13 ». Il s’agit de treize contes soumis aux magazines les plus en vue et successivement refusés à cause de leur dénouement malheureux. Pour réagir contre cette folle terreur de ce qu’on appelle là-bas « The Unhappy Ending », on publia ces contes en volume sous le titre précité. Édouard J. O’Brien en fit la préface où il nous précise l’intention de cette publication.

On fait d’incessants efforts pour épurer le goût en relevant le niveau du conte. À cet effet, M.