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les dépaysés

tions des plus alléchantes. Ils laissèrent entendre au vieillard que la ferme se détériorait par le manque de soins, et que les blessures de son fils ne donnaient que peu d’espoir à un retour. Le vieillard avait répondu résolument : « C’est à Paul ».

L’hiver passa ainsi. On avait reçu d’autres nouvelles du jeune homme. Il semblait se remettre lentement. Au printemps, bien qu’encore souffrant, sa santé trop précaire pour qu’il pût jamais retourner au front, laissait entrevoir la possibilité d’un retour prochain au pays.

Mais le vieillard, lui, était dans un état voisin de l’incapacité absolue. Il ne sortait presque plus de la maison. On avait cherché en vain un domestique. Les voisins, occupés à se préparer à leurs semences, ne pouvaient plus venir et vaquer aux travaux les plus urgents. Marthe, tout entière à son père qui à présent gardait le lit, ne pouvait pas, elle aussi, surveiller les choses du dehors. La ferme était dans un désordre complet. Il fallait relever des clôtures renversées par les neiges de l’hiver et pourvoir à mille détails qu’occasionne le retour du printemps.

On était venu renouveler au vieillard l’offre d’acheter sa terre. On alléguait, cette fois, que son fils si sérieusement blessé, même rétabli, ne pourrait plus faire les durs travaux de culture, qu’il vaudrait mieux pour lui se retirer au village et s’occuper d’un négoce plus facile.

Le vieillard avait répondu fermement :

« C’est à Paul. »

On était au commencement de juin et le vieux père était bien malade. Son grand âge ne laissait plus d’espoir. Un midi, il fut pris d’une attaque de para-