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les dépaysés

EN MARGE DE LA VIE DES SAINTS


Dom Pacôme achevait sa quotidienne instruction à ses moines :

« Je vous répète, l’obéissance est le chariot de toutes les vertus. Il n’y a pas d’humilité sans elle, il n’y a pas de sainteté sans elle. Ainsi, je défends à Dom Nicophore de faire des miracles sans notre spéciale permission. La reconnaissance de tant de guérisons cause trop de bruit dans notre couvent pour que notre vie intérieure n’en soit pas troublée. »

Les moines dans leur stalle penchaient leur tête mystique. Les lignes sévères de leurs formes expiraient dans les ténèbres de la chapelle oblongue. Un par un, ils vinrent faire une génuflexion devant l’autel et disparurent par une porte latérale. Leurs sabots d’où sortaient des brins de paille chantaient sur les dalles froides. De leur bure émanait la robuste senteur des corps ardus et de la terre forte. Ils se retirèrent dans leur cellule pour reposer leurs membres jamais dévêtus. Dehors, la nuit printanière aimait dans le mystère des choses.

À deux heures, lorsque l’aube luttait de naître, les moines se levèrent, indifférents à la nuit et à l’aurore, mornes et silencieux dans la terreur du jugement, pour aller prier. Leurs voix s’élevèrent :