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les dépaysés

une petite qui n’a pas la langue dans sa poche pour son âge.

Et l’institutrice fit tous les frais de l’entretien. On se la passa à tour de rôle et chacune y mordit à belles dents.

La petite institutrice, triste, sans défense, seule dans le silence morne de sa mansarde, pensait aux événements du jour, aux sourdes hostilités qui l’entouraient, pleurait d’ennui et de fatigue en se mettant au lit.

Le lendemain, quand elle s’éveilla, le soleil inondait la petite école rustique. Elle se sentit rassérénée. Elle enleva les images et tout ce qui pouvait déplaire aux enfants. C’était sans doute une concession fâcheuse, mais on ne peut attendre d’une jeune personne sans expérience, en butte aux persécutions, tout l’aplomb et la clairvoyance d’un vieux diplomate. Elle était affolée par ce qui venait de se passer et elle voulait à tout prix apaiser ses ennemis.

Elle mit dans sa tâche tant de bonté, tant de douceur, de spontanéité, que ses élèves semblaient intéressés. On eut pu croire qu’ils s’éveillaient à une nouvelle vision. Tout allait bien, le rêve de la petite institutrice reprenait son essor, lorsque Jean Lebouc vint tout gâcher. Il crachait sur le parquet avec une malpropreté révoltante. Elle lui fit doucement remarquer qu’il vaudrait mieux qu’il crachât dans son mouchoir. Il lui répondit grossièrement :

— Je cracherai tant que je voudrai. D’ailleurs, je n’ai pas de mouchoir.

À cette réplique polissonne, elle jugea qu’il était temps qu’elle frappât un grand coup. Elle prit sa règle et voulut le punir, mais en gros garçon ro-