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peu de frais, mais l’idée de dépenser un sou pour la maison d’école leur était si étrangère qu’ils n’y songeaient pas, qu’ils ne l’acceptaient pas. Quelques institutrices avaient bien fait quelques tentatives d’amélioration, mais Messieurs les Commissaires les avaient priées de se mêler de leurs affaires. Lorsque l’une d’elles avait osé représenter que le poêle chauffait assez mal, que la fumée qui s’échappait par les fissures rendait le séjour de l’école assez pénible, et que d’ailleurs les fenêtres étant fixes, on ne pouvait faire de ventilation, on lui avait répondu qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir les croisées si le poêle ne chauffait pas bien. Et les commères avaient longtemps glosé sur l’extravagance de cette pécore d’institutrice, comme s’il ne s’agissait que de demander.

« Et pourtant est-elle assez bien payée cette maîtresse d’école ! On lui donne $100,00 par année pour ne rien faire. Toujours habillée en demoiselle, et elle demande encore ! »

Et les potins continuaient sur ce ton.

Il faut dire qu’on changeait souvent d’institutrice. Jamais satisfaits, on en engageait une nouvelle chaque année. Les enfants soudoyés et appuyés par leurs parents n’avaient pas tardé à devenir grossiers, effrontés, rebelles et insupportables. Il eut fallu un bras vigoureux pour mettre ce petit monde à l’ordre, mais cette année, on avait Marie Masson. C’était une jeune fille timide, qui avait passé son enfance au couvent, admirablement qualifiée pour l’enseignement, aimant sa vocation et ne demandant qu’à aimer ses élèves. Elle était arrivée la tête remplie de ce qu’elle avait vu à son couvent, enthousiaste, éprise de son idéal. Elle était persuadée de ce qu’on lui avait enseigné, à savoir que l’en-