Je ne devais pas en être quitte pour si peu. Voilà la bonne femme qui se met à me parler. C’est une série de questions exactes, précises, tranchantes, impérieuses, j’y réponds sans broncher. Enfin, elle me demande ma nationalité.
Canadien français.
La dame sursaute, Canadien français, est-ce possible ?
D’un ton protecteur, elle me dit :
— Vous parlez un dialecte, n’est-ce pas ?
— Oui, le dialecte de l’Isle de France.
Elle n’a pas compris, et continue :
— C’est ce que je dis toujours que les Canadiens français parlent un patois.
— Vous connaissez bien le français, sans doute ?
— Pas un mot, se hâte-t-elle d’ajouter.
— Mais, comment pouvez-vous savoir que c’est un patois si vous ne pouvez le comparer avec le français véritable ?
— Ah ! ça se voit et tout le monde le dit.
— Vous êtes une femme d’une intelligence supérieure pour avoir découvert cela sans étude.
Elle me remercie avec candeur, elle a pris ma remarque pour un compliment.
Les questions pleuvent de plus belle.
— Êtes-vous déjà allé en France ?
— J’en arrive.
— Comment avez-vous fait pour comprendre la langue du pays et vous faire comprendre ?
— Je me suis servi d’un interprète.
— How interesting ! fit-elle, contente de voir sa théorie confirmée, et les questions continuent.
— Êtes-vous allé à la Comédie-Française ?
— Oui, et j’y ai vu une pièce de Molière.