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AU GRÉ DES FLOTS

et la musique ouvrait les voies de ces mélodies enjouées qui volaient au ras des flots, comme pour atteindre ceux qui ne sont pas revenus. Toutes les embarcations rêvaient en se balançant doucement sur leurs ancres le long du rivage, les groupes joyeux circulaient et la lumière auréolait toutes ces gens, des ancêtres aux enfants, embellissait toutes ces choses, de la goélette robuste jusqu’aux herbes marines et aux minces débris d’épave qui traînaient dans les sentiers.

Le jeune Pierre Legrand n’était pas le moins beau de ces solides gars. Il venait de danser avec Hortense Larade, la jolie fille de Michel Larade. Hortense était une brune, forte et gaie, qui riait toujours de ses dents blanches entre ses lèvres rouges. Elle était accompagnée de sa sœur Marie, qu’on appelait du petit nom de Mai, qui lui convenait bien, car elle était frêle et rêveuse comme une petite fleur de mai. Celle-là ne ressemblait pas à une fille de pêcheur. On aurait pu croire que c’était une demoiselle de ville un peu hautaine. Sa santé délicate l’avait tenue éloignée des travaux des jeunes filles de sa condition. Elle avait reçu plus d’instruction que les autres. On voulait en faire une institutrice. Sans cesse absorbée par ses rêveries, elle semblait toujours désintéressée de ce qui l’entourait.

Pierre Legrand qui venait de finir un quadrille avec Hortense lui disait :

Je suis bien aise de vous avoir connue davantage.

Elle avait ajouté :

J’espère que vous ne serez plus un étranger, et que nous vous verrons plus souvent à l’avenir.

Il avait promis, et en témoignage de l’amitié qu’il venait de vouer à cette famille, il était allé prier Mai pour la danse suivante. Elle avait accepté sans élan. De peu de volonté, elle faisait tout ce qu’on lui demandait, sans enthousiasme, et sans joie.

Hortense les regardait danser en songeant au grand amour qui s’était soudain révélé en elle pour ce jeune homme. Certes elle l’avait toujours aimé depuis qu’elle le connaissait. Mais son