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AU CREUX DES SILLONS

BONJOUR BON AN



Sur ces entrefaites, la femme de Lamarre mourut après deux jours de maladie, laissant neuf enfants dont Jeanne était l’aînée. Ce triste événement qui aurait dû rapprocher les deux familles les sépara davantage. Pour la première fois, un membre d’une famille mourrait sans que l’autre se portât à son secours et lui prodiguât ses sympathies. Si Corriveau était venu, il se serait certainement réconcilié à l’ombre de la morte, mais il s’en garda bien et empêcha même Paul d’aller à l’église pour assister aux funérailles. Le ressentiment n’eut plus de borne. De part et d’autre, ce fut un océan de haine qui les submergeait.

Aussitôt après les funérailles de sa femme, Lamarre alla à son tour consulter son avocat. Il reçut la réponse qu’on avait faite à Corriveau quelques jours auparavant.

S’il vous a diffamé, vous avez des droits certains contre lui.

Chacun se croyant diffamé, reprit ses anciennes rengaines de preuves, d’arguments, de témoignages qui devaient foudroyer l’autre. Les racontars et les cancans allaient leur train.

Tous avaient entendu l’un des deux hommes déblatérer contre l’autre. Tous eussent voulu témoigner.

C’est dans ces dispositions d’esprit que Corriveau et Lamarre passèrent la Fête de Noël, sans se laisser toucher de ce magnifique exemple de pardon. On arriva au Jour de l’An sans que rien n’eût changé leur haine et leur entêtement.

Le Jour de l’An, fête des bons souhaits, des repas, des réunions qui cimentent les amitiés, aplanissent les heurts et préparent une nouvelle année de relations amicales. Depuis plusieurs