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DE PHYSIQUE.

plus de deux mois avant qu’il pût reconnoître que les tableaux représentoient des corps solides ; jusqu’alors il ne les avoit considérés que comme des plans diversement colorés ; mais lorsqu’il commença à distinguer les reliefs des figures, il s’attendoit à trouver en effet des corps solides en touchant la toile, et il fut très-étonné lorsque, en passant la main sur les parties qui, par la distribution de la lumière et des ombres, lui paroissoient rondes et inégales, il les trouva planes et unies comme le reste : il demandoit quel étoit donc le sens qui le trompoit, si c’étoit la vue ou le toucher. On lui montra le portrait en miniature de son père, qui étoit peint sur la boîte de la montre que portoit sa mère, et il dit qu’il reconnoissoit bien l’image de son père ; mais il demandoit, avec un grand étonnement, comment il étoit possible qu’un visage aussi large pût tenir dans un si petit espace, que cela lui paroissoit aussi impossible que de faire tenir un muid dans une pinte[1].

La même opération faite par M. Grant à un aveugle âgé de vingt ans, a été suivie de circonstances semblables. Lorsque les yeux de ce jeune homme furent frappés, pour la première fois, des rayons de la lumière, on vit sur toute sa personne l’expression d’un ravissement extraordinaire. L’opérateur étoit devant lui avec ses instrumens à la main : le jeune homme l’examina depuis la tête jusqu’aux pieds ; il s’examinoit ensuite lui-même, et sembloit comparer sa propre figure avec

  1. Philosophic. Tramact., N°. 102.