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LE CHEVAL DE MAZEPPA

vaste lit ; ils sont au milieu et se dirigent vers un rivage inconnu et solitaire. Le contact de l’eau met un terme à ses sourdes douleurs, et ses membres engourdis puisent dans ce fleuve bienfaisant une force passagère. Son coursier lutte fièrement contre les vagues qui se brisent sur son large poitrail ; il tente de s’élancer sur le rivage glissant, qui semble le repousser. Ses poils et sa crinière sont luisants et humides, ses membres frémissent et ses flancs jettent une épaisse fumée ; il trouve encore des forces pour parvenir sur la rive. Une plaine immense s’étend au loin dans les ombres de la nuit, l’œil n’en peut mesurer la longueur ; cependant la lune découvre au triste voyageur ça et là quelques espaces blanchâtres et quelques touffes de gazon noir détachés en masses confuses dans ce sombre désert. Mais rien ne peut y être aperçu distinctement qui indique la moindre chaumière ; aucune lueur vacillante et lointaine d’un flambeau hospitalier.

» Cependant le coursier ne se traînait plus que lentement et se soutenait à peine sur ses jambes chancelantes. Mazeppa voulut essayer par quelques efforts de briser les cordes qui le garrottaient ; il ne fit que les resserrer davantage et rendre ses souffrances plus cuisantes. Le soleil se leva. Aucune trace d’hommes ou d’animaux n’était im-