Caligula s’en aperçut, et un éclair de fureur jaillit de ses yeux. Cependant il dissimula sa colère.
« Virginius, dit-il avec un singulier sourire, n’a pas bu, ce me semble, à la santé de celui qui l’a invité. »
Virginius rougit et pâlit tour à tour ; toutefois il prit sa coupe, et allait boire à la santé d’Incitatus.
« Voilà qui est bien, reprit l’empereur en l’arrêtant ; mais Incitatus veut témoigner aux yeux de tous combien il vous honore. Voilà sa coupe, il y va tremper ses lèvres, et vous boirez ensuite.
Et César prenant la coupe d’Incitatus, l’emplit de vin, puis, après l’avoir présentée au cheval, il la tendit à Virginius.
Celui-ci se tenait debout, immobile, ne disant pas un mot ; mais ses lèvres étaient blanches comme de la cire, et son front était pourpre. Tout à coup il saisit la coupe des mains de Caligula, et la lança avec force à la tête d’Incitatus. Le noble animal bondit de rage ; tous les spectateurs frémirent de terreur.
Quant à César, son aspect avait quelque chose de terrible ; toutefois il garda quelque temps un effrayant silence ; à la fin il le rompit :
« Misérable ! s’écria-t-il d’une voix étranglée par la colère, misérable ! tu vas…