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France, mais de presque toutes les provinces de notre pays. Les habitants du Canada continuent de prononcer boîte et coiffe, comme le faisaient la cour de Louis XIV et les auteurs de ce temps, qui écrivaient toujours boëte et coëffe. S’ils n’écrivent pas, comme La Fontaine, étret et étrète pour étroit et étroite, ils ont cependant le sens de la rime dans ces vers qui, pour nous, ne riment pas plus désormais pour la vue que pour les yeux :

   Demoiselle Belette, au corps long et fluet,
   Entra dans un grenier par un trou fort étroit.

Molière n’aurait pas besoin non plus, pour être goûté d’eux, de changer l’assonance des rimes dans les deux vers suivants qu’il met dans la bouche de Philinte :

   Quand un homme vous vient embrasser avec joie,
   Il faut bien le payer de la même monnoie.[1]

M. de La Fayette, aussi récemment que 1830, prononçait encore ouéseau, rouéyaume, foué, loué, roué (oiseau, royaume, foi, loi, roi). Ainsi font encore les Canadiens, tandis que nous avons adopté, sans pouvoir peut-être nous justifier aussi bien qu’eux, la prononciation roua-yaume, oua-seau, foua, etc.

Dans certains mots pourtant, comme les mots poids, bois, mois, etc., la prononciation de l’oi semble toujours avoir été très ouverte en français. Aussi les Canadiens prononcent-ils poids, bois, mois, comme nous le faisons nous-mêmes. En revanche, le mot froid a gardé tout à fait, au Canada, le son qu’il a dans les dialectes normand et saintongeais : freid ou fret.

À son tour la diphtongue ei se prononce, dans le mot neige par exemple, d’une façon un peu plus fermée que chez nous et donne le son de l’é très aigu, au lieu du son d’un è moyennement grave.

On pourrait faire des observations analogues pour la diph-

  1. Fables, livre III, fable XVII.