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blie en un faisceau aussi dense et sur une plus vaste étendue de territoire qu’au Canada. Songeons que l’Algérie elle-même, qui est pour ainsi dire à nos portes et vers laquelle tant d’efforts se sont portés depuis cinquante ans, ne compte actuellement que 200, 000 Français de race à peine, tandis que la seule province de Québec en compte, à elle seule, plus d’un million !

Il y a trente ans, un Canadien français, M. Barthe, publiait un livre intitulé : Le Canada reconquis par la France ; rappelant à la France oublieuse qu’elle avait conservé là-bas l’affection d’un peuple fidèle et déjà hors de page, il engageait l’ancienne mère-patrie à renouer pacifiquement la chaîne de parenté, brisée par le malheur des temps antérieurs. Cette invitation, lancée au milieu du bruit de l’Exposition universelle de 1855, fut alors à peine entendue. L’Institut de France, à qui elle était spécialement adressée, n’y prêta qu’une oreille distraite. La France pensait alors à d’autres entreprises, moins pacifiques, et, à peine revenue des champs de la Crimée où le sang versé de ses enfants lui procura une gloire si stérile, elle s’apprêtait à faire de nouveau « parler la poudre » pour assurer l’indépendance et l’unité de l’Italie, avant-propos (comme le vit l’œil clairvoyant de Thiers !) de l’unité de l’Allemagne sous la suprématie prussienne. On sait ce que nous a valu cette politique à la Don Quichote et de quel prix l’Italie est prête à payer aujourd’hui le service que nous lui avons alors rendu ! Si du moins, corrigés par les dures leçons du passé, et guéris de nos habitudes de chevalerie errante au profit d’une vague idéologie, nous savions « nous recueillir »