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cune occupera encore un territoire et comptera une population fort respectable par l’étendue et le nombre. Que cette séparation se fasse un jour (et elle se fera, croyons-nous, par la force des choses), et la Confédération canadienne, qui peut compter, avant trente ans, une dizaine de millions d’âmes, dont près de la moitié sera d’origine française, se trouvera en mesure de traiter d’égale à égale avec ces républiques voisines. Supposez que la confédération canadienne, à son tour, sous l’action de cette même force que nous avons appelée « centrifuge », se divise à un moment donné, en deux ou trois États autonomes qui circonscriront leurs frontières respectives d’après leurs rapports d’intérêts ou de nationalité, et nous ne désespérons pas de voir un de ces États, presque exclusivement français de race et de traditions, arborer et faire respecter de ses voisins la bannière, remise à neuf, de la « Nouvelle-France » d’Amérique. Et cette nation nouvelle qui pourrait, sans empiéter sur personne, posséder un territoire quatre ou cinq fois grand comme celui de la France européenne ne serait pas, suivant toute probabilité, la moins vivace ni la moins forte des républiques de l’Amérique du Nord.


Traitera-t-on de chimères ces vues d’avenir ? Nous n’y contredirons pas, sachant trop bien, suivant la pensée du poète, que « l’avenir n’est à personne » qu’à Dieu seul. Mais il est une mesure, permise de Dieu, où l’avenir des peuples, comme l’avenir des individus, dépend d’eux-mêmes, de leur énergie, de leur moralité et de leurs efforts. Encore une fois, car c’est toujours à cela qu’il en faut revenir, que les Canadiens français