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Il se peut, au surplus, que l’absorption du Canada dans l’Union américaine, si elle se réalise un jour, ne soit qu’une phase passagère de l’histoire de l’Amérique du Nord.

On peut constater dans le jeu de l’histoire des sociétés humaines, comme dans le mécanisme des sphères célestes, l’action d’une double force, l’une centripète, d’autre centrifuge, l’une qui pousse à la centralisation, à la cohésion des parties disjointes, à la formation de puissants empires ou de vastes fédérations d’États, l’autre qui tend à la décentralisation par la dislocation de ces États ou le morcellement de ces empires, surtout quand ils ont été constitués au mépris des traditions, des liens et des affinités ethnologiques.

C’est la première de ces forces qui a, du chaos féodal des divisions en duchés, comtés et provinces, dégagé peu à peu l’unité française, la République « une et indivisible » ; c’est elle qui a fait, de nos jours, l’unité de l’Italie et de l’Allemagne.

C’est la seconde qui, en dépit de l’administration la plus savante, la plus autoritaire et la plus centralisée qui fut jamais (l’Église de Rome en a hérité), a brisé autrefois le faisceau tout factice de l’empire romain. C’est elle qui morcelle aujourd’hui l’empire ottoman en rendant à l’indépendance des nationalités trop longtemps opprimées. C’est elle qui menace de briser un jour l’assemblage hétérogène de l’empire d’Autriche-Hongrie. C’est elle enfin qui a partagé le continent hispano-américain en huit ou dix républiques indépendantes et rivales, malgré leur commune origine et leur langue commune.

C’est de la lutte et de l’alternance de ces deux forces