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conserver leur langue pour l’usage public comme pour l’usage privé, nous ne voyons pas ce qui manquerait aux Canadiens français, pour maintenir et pour défendre, sous ce nouveau régime comme sous l’ancien, leurs institutions, leurs mœurs et leur langue.

Sans doute, une des conséquences de l’absorption du Canada dans les États-Unis pourrait être une invasion pacifique du territoire canadien par des établissements américains. Mais ce danger est bien problématique si l’on songe que les invasions, pacifiques ou non, suivent plus volontiers la route du Nord au Midi que la route contraire. D’ailleurs sur la lisière méridionale de son domaine actuel, la population française est déjà trop dense pour avoir à craindre cette invasion, et ce sont bien plus les États américains qui se ressentiraient, comme ils s’en ressentent déjà, de l’immigration canadienne que les États canadiens ne feraient de l’immigration américaine.

Concluons que : quel que soit, au point de vue politique, l’avenir du Canada, — soit qu’il reste comme aujourd’hui, organisé en confédération, sous la tutelle plus ou moins nominale de l’Angleterre ; soit qu’il proclame son indépendance de cette tutelle, tout en maintenant la confédération de ses provinces et en se constituant en puissance souveraine, avec un président élu, des ambassadeurs et le reste ; — soit enfin qu’il s’adjoigne librement ou qu’il soit annexé, plus ou moins contre son gré, à l’Union américaine, — la race franco-canadienne n’a rien à craindre, dans tous ces cas, des circonstances politiques extérieures, si seulement elle conserve, au dedans, les vertus et les qualités qui font les peuples dignes de vivre et de prospérer.