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le blé, un alambic pour clarifier la gomme de sapin et la transformer en goudron. Tout marchait donc à souhait dans la nouvelle colonie, où l’hiver ne s’était d’ailleurs pas fait sentir avec trop de rigueur. Le Jonas avait été renvoyé en France sous les ordres de Pontgravé, et l’on attendait son retour avec une impatience bien naturelle à des émigrés, qui se sentaient isolés du reste du monde. Le Jonas revint, en effet, et entra dans la rade de Port-Royal en juin 1607 ; mais, hélas ! quelles nouvelles décevantes et décourageantes il apportait ! M. de Mons mandait à son ami Poutrincourt les graves déconvenues qui avaient fondu sur lui. Toutes les pelleteries de la Compagnie, acquises dans une année de trafic, avaient été enlevées par les Hollandais. Mécompte plus grave pour Mons, les marchands de Saint-Malo avaient obtenu la révocation de son monopole, et on ne lui avait accordé en retour qu’une indemnité imaginaire. M. de Mons faisait donc savoir qu’il ne pouvait plus désormais soutenir la colonie et il se prononçait même pour un abandon de la contrée, tout en laissant les colons libres de prendre le parti qu’ils jugeraient préférable.

La douleur fut vive à ces nouvelles et Lescarbot l’exprime naïvement dans son livre : « Ce nous étoit grand deuil d’abandonner ainsi une terre qui nous avoit produit de si beau blé, et tant de beaux ornements de jardins… » M. de Poutrincourt, en particulier, était navré ; il ne put se résoudre à partir qu’avec le ferme propos de revenir, car, ajoute le chroniqueur, « après qu’il eut longtemps songé sur ceci, il dit que, quand il devroit venir tout seul avec sa famille, il ne quitteroit point la partie. » Les sauvages, de leur côté,