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remarque qui n’est que trop justifiée par les faits : « Au Canada, les grandes affaires, les industries, la banque, le commerce, les principales boutiques dans les villes sont aux mains des protestants[1]. »

Une règle aussi générale — qui s’appuie sur l’exemple de l’Angleterre comparée à l’Espagne, de l’Écosse comparée à l’Irlande, des cantons protestants de Suisse opposés aux cantons catholiques, des États-Unis mis en parallèle avec les républiques espagnoles de l’Amérique du Sud — ne peut s’expliquer que par des motifs tenant à la différence des deux religions issues du tronc chrétien. « C’est à ses fruits qu’on juge l’arbre », a dit le Christ. Et il n’est pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre qu’une doctrine religieuse qui proscrit le libre examen sous toutes ses formes et qui fait un dogme de son immutabilité même et de l’infaillibilité de pontifes qui vivaient il y a mille et quinze cents ans, qu’une telle doctrine s’accommode mal du progrès et des réformes, qu’elle favorise la routine et l’immobilité économique. Il est également facile de comprendre comment, impuissante à endiguer le flot montant de l’instruction, mais désireuse au moins de le détourner dans ses canaux, l’Église a voulu se réserver partout où elle l’a pu le monopole de l’enseignement, et comment enfin, par défiance de la science en qui elle voit une alliée de l’esprit de réforme et de libre examen, elle dirige ses élèves vers les études littéraires et vers les carrières improprement appelées libérales plutôt que vers les études scientifiques et les carrières indus-

  1. Émile de Laveleye. De l’avenir des peuples catholiques. Paris, Fischacher. Voir aussi notre ouvrage : La Question religieuse. Paris, Grassart.