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puis la conquête, et qui poursuivait obstinément l’absorption ou l’annihilation de la nationalité française, dans le pays qui avait été la Nouvelle France. La constitution de 1791 avait été déjà forgée dans ce but ; la nouvelle constitution devait, dans la pensée de ses auteurs, parachever l’œuvre, en réduisant les Canadiens français à l’état de minorité d’abord, à l’état d’incapacité ensuite.

Les protestations des Canadiens français ne manquèrent point, on peut le croire, contre ce tissu d’injustices ; mais la métropole était décidée à passer outre. Forcés de subir un nouvel ordre de choses, établi sans l’assentiment ni même sans la consultation préalable de la population, qu’ils n’avaient point désiré et pour lequel ils n’avaient même pas été consultés, les Canadiens d’origine française firent contre male fortune bon cœur, resserrèrent entre eux les liens de la fraternité de race et manœuvrèrent si bien sur ce terrain parlementaire, nouveau pour eux, et où ils allaient désormais se trouver en face d’une majorité de race et de langue différente[1], qu’au bout de quelques années ils avaient obtenu le retrait des clauses les plus vexatoires de l’acte d’Union, forcé l’estime de leurs adversaires, rétabli leur race sur un pied d’égalité parfaite avec la race anglo-saxonne, assuré le self-government à leur pays en enlevant à la métropole quelques-unes des prérogatives qu’elle s’était

  1. En effet, tandis que les 42 collèges électoraux du Haut-Canada étaient représentés exclusivement par des Anglo-Saxons, ceux-ci pouvaient encore compter sur une dizaine de sièges du Bas-Canada où la population anglaise égalait ou dominait la population franco-canadienne.