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menacer Laudonnière de mort : celui-ci dut déployer une rare autorité pour avoir raison des séditieux, dont il fit pendre quatre. Cependant, la misère continuant et les provisions manquant toujours, — au point que les colons ne se soutenaient que par la générosité des sauvages, qui leur procurèrent du blé d’Inde, — Laudonnière avait pris le parti de retourner en France, quand les Français aperçurent plusieurs voiles qui se dirigeaient vers leur port. C’était le capitaine Ribaut, envoyé par Coligny, qui amenait de nouvelles familles de colons, des animaux, des outils d’agriculture et des vivres.

Tout eût été pour le mieux, grâce à ce ravitaillement inespéré, si les Espagnols, qui avaient pris ombrage de l’établissement des Français dans le voisinage de la Floride, n’étaient venus fondre à l’improviste sur la colonie naissante. Le combat s’engagea sur terre et sur mer à la fois ; mais les Français surpris de cette brusque agression — d’autant plus inattendue que la France et l’Espagne étaient à ce moment en paix, — furent écrasés avant d’avoir eu le temps de se mettre sur la défensive. Laudonnière put s’échapper, mais Jean Ribaut fut pris, avec plusieurs de ses compagnons, et les Espagnols, qui leur avaient d’abord promis la vie sauve, les firent ensuite traîtreusement massacrer ou pendre. Pour se mettre en règle avec la Madone et peut-être aussi avec le roi « très-chrétien[1] », on épargna, dans cette boucherie, quelques catholiques qui se trouvaient, en petit nombre, mêlés aux

  1. La reine-mère, Catherine de Médicis, fut suspectée de connivence dans ce massacre. Voir Garneau, p. 33 et 34.