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les justes bornes ; nation compatissante, qui venez de recueillir avec tant d’humanité les sujets les plus fidèles et les plus maltraités de ce royaume auquel nous appartînmes autrefois ; nation bienfaisante, qui donnez chaque jour au Canada de nouvelles preuves de votre libéralité, — non, non, vous n’êtes pas nos ennemis, ni ceux de nos propriétés que vos lois protègent, ni ceux de notre sainte religion que vous respectez. Pardonnez donc nos anciennes défiances à un peuple qui n’avait pas le bonheur de vous connaître, et si, après avoir appris le bouleversement de l’État, et la destruction du vrai culte en France, et après avoir goûté pendant trente-cinq ans les douceurs de votre empire, il se trouve encore parmi nous quelques esprits assez aveugles ou assez mal intentionnés pour entretenir les mêmes ombrages et inspirer au peuple des désirs criminels de retourner à ses anciens maîtres, n’imputez pas à la totalité ce qui n’est que le vice d’un petit nombre. »

Les Canadiens entendaient avec un étonnement douloureux ces paroles tomber de ces chaires qu’ils étaient élevés à considérer comme les bouches mêmes de la vérité. Moins habitués que les prêtres de Rome à subordonner aux intérêts de l’Église les affections les plus légitimes, les liens de la patrie et du sang, ils allaient aussi moins loin qu’eux dans leurs anathèmes et ils s’obstinaient à conserver le culte des souvenirs et leur attachement pour cette noble France, berceau de leur race, qui à ce moment même, faisait reculer et trembler toute l’Europe monarchique et féodale. Ils n’avaient d’ailleurs sur tout ce grand drame que des perceptions confuses, et le clergé pouvait d’autant mieux réussir à