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bourgade était alors Kingston, sur l’emplacement de l’ancien fort Frontenac, et qui commençait à se peupler de loyalists anglais réfugiés des États-Unis. On gratifia le pays ainsi partagé d’un semblant de constitution libre. On accorda à chacune des deux nouvelles provinces un « Conseil législatif » sorte de Chambre haute dont les membres, nommés à vie par la couronne, ne verraient rien que par les yeux du gouvernement, et une Chambre basse ou « Chambre d’assemblée » élue, pour 4 années, par les francs tenanciers des villes. La Chambre du Bas-Canada devait compter cinquante membres et celle du Haut-Canada, seize.

Cette Constitution, connue sous le nom de Constitution de 1791, ne donnait au Canada français que l’apparence du self-government. En effet, la Chambre d’assemblée, procédant de l’élection, allait bien voir siéger sur ses bancs, dans le Bas-Canada, une majorité de Canadiens de race française, mais comme le concours des deux Chambres et du gouverneur, représentant le pouvoir exécutif, était nécessaire pour donner aux lois leur validité, et comme en fait la Chambre élective devait voir souvent ses décisions annulées par les gouverneurs, appuyés sur leur Chambre haute servile, les Canadiens ne gagnèrent guère à cette Constitution que d’échanger le joug des gouverneurs anglais contre celui d’une oligarchie bâtarde où l’élément anglais ne cessait pas d’avoir la prépondérance. On comprend que cette fiction de gouvernement parlementaire indisposa bientôt plus qu’elle ne ramena les esprits de nos anciens « regnicoles ».

Au moment où la nouvelle Constitution entra en vigueur, la population des deux Canadas pouvait être