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dence même. Et non-seulement les Canadiens français, dont la race éminemment prolifique se trouve dès à présent trop à l’étroit, dans la province de Québec, eussent ainsi colonisé librement la presqu’île de l’Ontario et tout le pays au nord des grands lacs, mais ils eussent, avec le temps, pu s’établir en masses compactes dans la région située plus à l’ouest, dans le Manitoba actuel et même dans certaines contrées situées au sud-ouest des grands lacs : l’Illinois, le Michigan et le Ouisconsin. Toronto, Détroit, Chicago et Saint-Louis seraient vraisemblablement aujourd’hui, comme elles devaient l’être dans la pensée de leurs fondateurs, des villes françaises. À l’est, dans les provinces maritimes qui bordent le golfe du Saint-Laurent et dans les îles de ce golfe, les Acadiens se seraient librement étendus, sans plus avoir à redouter de trouver brusquement leur voisinage, sinon même le terrain arrosé de leurs sueurs, pris par les colonies de loyalistes ou de vétérans, d’Écossais ou d’Irlandais qu’y déversa tant de fois, dans ce siècle, le gouvernement anglais. Le nord, vers lequel, circonscrits ou refoulés du côté méridional, Acadiens et Canadiens sont aujourd’hui forcés de regarder, se serait sans doute colonisé plus tardivement, mais il serait encore demeuré comme un lot de l’apanage réservé à leurs descendants. Sur tous les points, s’avançant peu à peu, en ordre épars ou serré, mais sans jamais s’isoler ni se séparer du gros de leur nation (comme il arrive aujourd’hui de tant de groupes canadiens qui émigrent aux États-Unis et risquent

    et répète-t-il que ce fut à « l’instinct secret et sûr de la conservation nationale qu’obéirent les Canadiens lorsqu’ils refusèrent les avances des États-Unis » ?