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comprendre comment cet ordre combla les vœux de gens si rudement éprouvés ; il ne resta personne en arrière, qu’une respectable dame, nommée « demoiselle Marguerite », qui, par un concours de circonstances dramatiques, fut abandonnée avec sa vieille nourrice sur une plage du Labrador[1]. Pour plusieurs années, la « Nouvelle-France » d’Amérique n’eut pas d’autres représentants.

Cette première tentative avait, en somme, échoué et, dans l’état de guerre et de crise intestine où se trouvait alors la France, on pouvait se demander si elle serait jamais reprise.

Il était réservé à l’amiral Coligny de ramener l’attention sur ces territoires du Nouveau-Monde où les nations européennes, les races japhétiques, devaient trouver, avec un nouvel apanage, un champ clos étendu pour les luttes pacifiques de la civilisation. En 1555, le noble amiral, « l’un des génies les plus étendus, dit l’abbé Raynal, les plus fermes, les plus actifs qui aient jamais illustré ce puissant empire, grand politique et bon citoyen jusque dans les horreurs des guerres civiles[2], » conçoit le projet de coloniser avec des émigrants, pour La plupart huguenots, les rivages de l’Amérique. Sa pensée était d’assurer la liberté de conscience de ses coreligionnaires, tout en étendant, par leurs bras, la puissance et l’influence de la France. Quel dommage que cette idée de génie n’ait pu être suivie d’effet ! Que fût-il advenu si, à l’exemple des puritains

  1. Thévet raconte l’aventure tout au long dans son ouvrage : Le Grand Insulaire et pilotage. — Cf. l’Heptameron, Nouv. LXVII.
  2. Raynal. Histoire philosophique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes. Tome VIII, page 123.