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York, — ranimée par les récentes et intempérantes déclarations de leurs orateurs, ferma leurs oreilles à ces invitations. Anglais pour Anglais, ils préféraient encore et de beaucoup les plus éloignés aux plus rapprochés, surtout depuis la satisfaction qu’ils venaient d’obtenir du parlement anglais par le rétablissement de leurs lois françaises. Les griefs soulevés par les colons anglo-américains, à propos des taxes, les touchaient fort peu. La noblesse et le clergé catholique, les deux classes dont la population canadienne recevait docilement son mot d’ordre, étaient rattachées à l’Angleterre par la préoccupation de conserver leurs privilèges, notamment la tenure seigneuriale et la dîme, qu’elles craignaient de perdre dans le mouvement niveleur d’une révolution. C’est par ces circonstances et par ces raisons que s’explique cette apparente anomalie d’un peuple qui pouvant, à ce moment, conquérir son indépendance et secouer le joug que la fortune de la guerre lui avait imposé contre son gré, laisse passer cette occasion inespérée et se réconcilie avec la domination de l’Angleterre, malgré l’opposition de la race, de la religion et de la langue, juste au moment où ses voisins, Anglais de race et de langue, vont briser, avec le concours des armes françaises, le lien qui les unissait à leur mère-patrie.


Le général Carleton comprenant, cette fois, de quelle importance il était pour l’Angleterre de s’assurer la fidélité ou pour employer le mot consacré, « la loyauté » (loyalty) des Canadiens français, travaillait à se les attacher par quelques faveurs, d’ailleurs assez maigres. Il en nomma plusieurs à des charges publi-