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résistances, et elle allait voir en effet qu’il lui était plus difficile encore de s’assujettir les volontés que de conquérir des territoires.

Ce n’est pas que les Canadiens, devenus sujets anglais contre leur volonté, fussent capables d’opposer à leurs nouveaux maîtres autre chose qu’une résistance passive. Mais il y a dans l’inertie même d’un peuple qui se renferme sous sa tente et se refuse à tout commerce intime avec ses vainqueurs, une force latente qui peut inquiéter ces derniers plus que des rébellions ouvertes. Repliés sur eux-mêmes et s’adonnant presque exclusivement aux soins de l’agriculture, celle de toutes les professions qui permet le mieux les farouches isolements, les Canadiens-Français firent ce qu’avaient fait les Saxons au temps de la conquête normande : ils vécurent à part, voués au culte de leurs souvenirs, sans se mélanger avec leurs conquérants.

Le régime purement militaire qu’établit le gouverneur Murray n’était pas fait d’ailleurs pour leur faciliter l’adhésion à leur nouveau sort. Pendant quatre ans, le règlement des affaires criminelles et même des affaires civiles, fut abandonné à la direction des conseils de guerre, et les Canadiens furent soumis à tout l’arbitraire de la loi martiale.

Pour mieux affirmer sa volonté de rompre brusquement avec l’ancien ordre de choses et de ne rien laisser subsister des liens qui avaient uni autrefois dans une commune solidarité les habitants du vaste territoire qui avait formé jusque-là la Nouvelle-France, l’Angleterre démembra ce territoire en quatre ou cinq tronçons. Le Canada proprement dit fut divisé en