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lui porter ombrage. L’historien canadien Bibaud évalue à mille ou douze cents le chiffre des nobles, des fonctionnaires et des marchands qui reprirent à ce moment le chemin de la France. « Cette diminution dans la population canadienne était d’autant plus à regretter, dit l’historien, qu’elle avait lieu dans la classe élevée, la seule à peu d’exceptions près, où il y eût des talents développés et des connaissances acquises ; le changement alors opéré pour le pis, sous le rapport des arts et des sciences, se fit sentir longtemps dans le pays. » Néanmoins, le gros des colons et des artisans, trop pauvres pour revenir dans la mère-patrie et d’ailleurs rattachés au sol par tous les liens de la possession et de l’habitude, prit le parti de demeurer en Canada, tout en gémissant du joug étranger sous lequel il allait désormais vivre. On estime à un peu moins de 70,000 âmes la population d’origine et de langue française qui demeura ainsi fixée sur les deux rives du Saint-Laurent. Dans les chapitres suivants, nous allons suivre la destinée de ce rameau transplanté de la famille française ; et faire assister nos lecteurs aux efforts et aux luttes par lesquelles cette nationalité, — sœur ou plutôt fille de la nôtre — reconquerra peu à peu ses libertés ravies.

Avant d’entrer dans le vif de ce récit, il peut être intéressant de jeter un dernier coup d’œil sur le passé pour voir ce que le Canada — malgré les vices inhérents à l’ancien régime — devait à l’administration de la métropole qu’il venait de perdre.

« Si quelqu’un, écrivait naguère un auteur cana-