Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y tenir jusqu’au dernier homme ; il trouva ses soldats tout prêts à s’associer à cet holocauste volontaire de leur chef. Il fallut l’ordre formel du marquis de Vaudreuil pour lui faire poser les armes. Le 8 septembre 1760, celui-ci, qui gardait jusqu’au bout, malgré son insuffisance, le titre de gouverneur du Canada, signa à Montréal la capitulation par laquelle il livrait le Canada tout entier à l’autorité britannique. Il stipulait seulement pour ses habitants le libre exercice de leur religion, la conservation de leurs propriétés et de leurs lois.

Le gouverneur, l’intendant, les fonctionnaires de l’administration civile et militaire, M. de Lévis et 185 officiers, 2,400 soldats et artilleurs, et les habitants les plus marquants, quittèrent la colonie pour rentrer en France.

L’année d’après (décembre 1761), un arrêt du Conseil d’État décidait l’ouverture d’une instruction contre « les auteurs des monopoles, abus, vexations et prévarications qui avaient été commis en Canada. »

Ce procès dura deux ans et se termina par la condamnation de Bigot et de neuf de ses complices. Bigot, pour son compte, jeté à la Bastille, fut condamné ensuite au bannissement perpétuel du royaume, et ses biens furent confisqués.

Le gouvernement de Louis XV, qui prétendait châtier (un peu tard) les dilapidations honteuses qu’il avait laissé commettre, commettait lui-même une véritable banqueroute en refusant de payer les lettres de change tirées par les Canadiens sur le Trésor, qui leur devait plusieurs millions[1]. C’est par cette iniquité criante

  1. L’argent monnayé ayant toujours été rare au Canada, on avait paré à cette pénurie par ce qu’on appelait la « monnoie de carte »