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espérait voir venir de France. « Une seule frégate arrivée avant la flotte anglaise eût décidé la reddition de Québec et assuré la Nouvelle-France pour cette année[1]. »

Le 15 mai, vers le soir, assiégeants et assiégés aperçurent quelques vaisseaux à l’horizon. Si c’était une flotte française, Québec revenait à la France ; sinon, M. de Lévis était obligé de lever le siège. Aussi tout le monde, dit l’historien anglais Knox, tournait-il avec la plus grande anxiété les yeux vers le bas du fleuve, d’où chacun espérait voir venir son salut. C’était l’avant-garde de la flotte anglaise. « Nous restâmes quelque temps en suspens, n’ayant pas assez d’yeux pour la regarder, dit Knox, et l’on ne peut exprimer l’allégresse de la garnison, quand nous fûmes bien convaincus que c’étaient des frégates anglaises. Officiers et soldats montèrent sur les remparts faisant face aux Français, et poussèrent pendant plus d’une heure des hourras continuels en élevant leurs chapeaux en l’air. La ville, le camp ennemi, le port et les campagnes voisines retentirent de nos cris et du roulement de nos canons. Enfin, il est impossible de se faire une idée de cette joie, si l’on n’a pas souffert les extrémités d’un siège et si l’on ne s’est pas vu avec de braves amis et de braves compatriotes voué à une mort certaine. »

On imagine aisément que l’arrivée de la flotte anglaise fut accueillie, de notre côté, avec des sentiments bien différents. M. de Lévis, la douleur au cœur, leva le siège de Québec, le 16 mai, et il se replia de poste en poste sur Montréal avec 3, 600 hommes. Le faible

  1. Lettre du chevalier de Lévis au ministre de la guerre, citée par M. Dussieux.