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lieutenants ne s’épargnaient pas plus que lui ; M. de Bourlamaque fut dangereusement blessé à l’épaule ; M. de Bougainville fut blessé aussi, et le chevalier de Lévis reçut plusieurs balles dans ses habits. Les soldats, enthousiasmés par le courage de leurs chefs, se battaient comme des lions, aux cris de : « Vivent le roi et notre général ! » À la tombée de la nuit, Abercromby se décida à cesser un combat qui lui avait coûté déjà autant ou plus d’hommes que les Français n’en avaient dans leurs rangs (5, 000 hommes, disent les relations françaises ; les Anglais avouent la moitié ; de notre côté, notre perte n’avait été que de 377 hommes tués ou blessés, dont 37 officiers). Les Anglais battirent donc en retraite pendant la nuit, abandonnant dans leur fuite une partie de leurs bagages et un grand nombre de leurs blessés. S’il avait eu plus de monde ou si ses troupes avaient été moins fatiguées, Montcalm aurait pu changer cette retraite en désastre ; mais il dut se contenter d’avoir arrêté l’invasion et protégé glorieusement sa première ligne de défense. Le soir même de la victoire, il écrivait, du champ de bataille, à son ami M. Doreil : « L’armée, et trop petite armée, du roi, vient de battre ses ennemis. Quelle journée pour la France ! Si j’avois eu deux cents sauvages pour servir de tête à un détachement de mille hommes d’élite dont j’aurois confié le commandement au chevalier de Lévis, il n’en seroit pas échappé beaucoup dans leur fuite. Ah ! quelles troupes, mon cher Doreil, que les nôtres ! Je n’en ai jamais vu de pareilles[1]. »

  1. 1 Cette lettre est reproduite tout au long dans le Mercure de France, janvier 1760, p. 211.