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Les voleries de l’intendant Bigot et de ses complices, les Péan, les Bréard, les Varin et les Cadet, — protégées par l’insigne faiblesse du gouverneur de Vaudreuil, — ajoutaient une particulière acuité à la détresse générale. M. Dussieux a reconstitué, d’après les pièces du procès qu’on fit plus tard à ces gredins, la physionomie de leurs honteuses spéculations. Les affidés et les prête-noms de la société Bigot achetaient les marchandises de l’État à bon marché et les lui revendaient ensuite à des prix excessifs. Ils enflaient les mémoires et faisaient de doubles emplois d’états de rations qui, bien que faux, étaient payés comme fidèles. À l’aide de leurs gains prodigieux (12 millions sur une fourniture montant à 11 millions seulement de prix d’achat), ils séduisaient les officiers commandant les forts pour gagner leurs suffrages et les commis et gardes-magasins pour acheter leur silence, etc. On peut voir là, dans tout ce qu’ils ont de plus détestable, les fruits d’un gouvernement absolu et ce que produit le manque de contrôle et de liberté, surtout quand les sphères supérieures du pouvoir donnent l’exemple de la plus complète immoralité, comme c’était alors le cas de Louis XV et de sa cour[1].

Sans connaître sans doute toute l’étendue du mal, Montcalm en soupçonnait la plus grande partie et confiait ses défiances et ses inquiétudes au ministre : « Je n’ai aucune confiance, écrivait-il un peu plus tard (1759), ni en M. de Vaudreuil, ni en M. Bigot. M. de

  1. Voir Dussieux : Le Canada sous la domination française, pp. 168 et suiv.